Pierre CATTELAIN

Ecrire les mots « business plan » dans la recherche de Google  fournit 457 millions de résultats en cinq centièmes de seconde. Existe-t-il vraiment plusieurs centaines de millions de plans utiles aux Pme ? Retour à la case départ. Le business plan ou plan d’affaires est quasiment une norme internationale : résumé du projet, étude du marché, marketing, concurrence, moyens techniques et humains, organisation juridique, risques, etc.

 

Plus une partie financière qui est la plus complexe : plan de financement (pour une création d’entreprise), trois années de prévisions incluant comptes de résultat et bilans, prévisions mensuelles de trésorerie et seuil de rentabilité pour la première année. C’est le minimum requis.

Cette « norme » de business plan est aussi une demande unanime des banques françaises. Tous nos établissements bancaires (Oseo, BNP, Générale, Crédit Agricole, …) présentent cette demande aux créateurs et aux dirigeants de PME dans leur site web.

 

Utiliser le plan pour gérer l’entreprise.

 

Présenter un « beau dossier » à son banquier est nécessaire.
Mais c’est parfois décevant : accompagner un patron de petite entreprise chez son banquier (en fait, l’agence du quartier) lors de la présentation du projet de création ou de développement peut se transformer en épreuve. D’après nos expériences, près un employé de banque sur deux ou trois ne sait pas réellement ce qu’est un plan d’affaires et ne sait pas retraiter un bilan fiscal.

La négociation avec les établissements financiers n’est, toutefois, pas la principale utilité du business plan.

A la fin de l’effort d’élaboration de son plan, l’entreprise dispose d’un formidable outil de gestion et de prise de décisions : elle peut, à l’infini,  jouer à « what if ».

Que se passe-t-il … si les clients paient à 65 jours, si on investit, si on crée des emplois, s’il faut baisser nos prix de 5 %, si les fournisseurs veulent être payés à 45 jours, si  on augmente les salaires de 3%, ...  etc.

 

La simulation de chaque décision déroule ses conséquences sur toutes les années du plan.

 

Le jeu des simulations différentes permet d’éliminer les décisions néfastes, de délimiter les « zones interdites », de définir les leviers d’action, la meilleure combinaison de décisions et, finalement, d’optimiser la stratégie.

 

Les plans bidon, les arnaques, les plans de papier, les plans en pièces détachées, …

 

Parmi les 457 millions de plans trouvés par Google, certains (nous n’avons pas évalué le nombre exact) proposent 10 calculs : « vous achetez un produit  10 euros, votre prix de vente est 20, vous vendez 100 produits, l’URSSAF coûte 2000, vous êtes mort ! »


D’autres ne sont que des « conseils » de bon sens : « pour créer une entreprise, mon conseil est d’être riche plutôt que pauvre » (nous l’avons lu !).


D’autres encore ne sont que des publicités déguisées ou des arnaques. Par exemple : « votre plan va vous montrer comment vous deviendrez trop riche en devenant mon franchisé ».

On trouve aussi les plans de papier : « tous les calculs nécessaires figurent dans les 8 pages en format pdf ».


Parmi les plus dangereux, il faut citer les plans « one shot » : « Avec notre plan gratuit, vous pourrez faire vous-même UN  business plan ». Pour la deuxième simulation, il faut payer encore. Faut-il se ruiner pour aboutir à la meilleure stratégie ?


Mais le pire de tout ce que le web renvoie est constitué par les plans « en pièces détachées ». Tout y est : le plan de financement initial, le compte de résultat, le bilan après 1 an d’activité, et même le besoin en fonds de roulement (qui semble être LE signe de l’expertise de l’auteur).

Malheureusement, les pièces détachées ne sont pas, ou sont mal, connectées entre elles :

  • Le plan de financement permet d’écrire investissements, capital ou apport, emprunt et trésorerie. Mais il reste muet si l’indépendance financière fait rire le banquier, ou si l’endettement représente 100 % de l’investissement hors taxes et cinq ans de cash flows.
  • Le besoin en fonds de roulement est calculé avec précision. Mais il est impossible de savoir ce qu’il devient quand les clients retardent leurs paiements ou quand les fournisseurs exigent des délais plus courts ou si … le stock augmente, si on change de régime de TVA, si la création d’emplois modifie les charges sociales, etc.

 

En un mot : ce ne sont pas des outils de simulation, donc pas des plans réellement utiles.

 

Conclusion

  • La plus grande partie des business plans trouvés sur le web aideront à construire des dossiers qui provoqueront l’hilarité du premier business angel, mais pas l’enthousiasme de nos banquiers habituels.
  • La recherche de business plans gratuits sur la toile ne renvoie probablement qu’un seul bon résultat en langue française : le plan de l’Université de Montpellier (que les oubliés nous pardonnent).

 

Il y a peut être plus important encore :

  • la grande majorité des dirigeant(e)s de Pme français sont des personnes de métier, des techniciens et ingénieurs. Ils (elles) ne sont pas d’emblée commerciaux ou financiers.
  • Ils (elles) gèrent leur compte de résultat (tout simplement parce que le compte de résultat résume « le travail » de l’entreprise et pas « son argent ») et ignorent leur bilan qui n’est que l’imprimé 2033 ou 2050 et reste l’affaire de l’expert comptable.

 

La structure du bilan, la dépendance vis-à-vis du banquier ne figurent pas parmi les objectifs.

 

D’année en année, de conjoncture défavorable en crise, le bilan se couvre de plaies et garde toutes les cicatrices. Jusqu’à donner l’image fidèle d’une entreprise que plus personne ne veut soutenir.

Sans caricaturer, on pourrait dire qu’une Pme vit dans son compte de résultat et meurt par son bilan.

C’est ici que le travail d’élaboration d’un business plan constitue une dépense particulièrement rentable : c’est un merveilleux outil pour VOIR, pour apprendre l’interdépendance entre toutes les décisions, entre tous les éléments « en euros » de l’entreprise, entre les ventes, les délais de paiement, les créances, le besoin en fonds de roulement, le haut du bilan, la trésorerie, le découvert en banque, …

Entre la-belle-machine-si-productive, l’emprunt qui finance mal, la trésorerie qui fiche le camp (foutue TVA !), l’amortissement toujours fiscal (encore une charge, bonsoir !) …
Etc. Etc.

Investissez dans votre business plan. Ne cherchez plus « business plan Excel gratuit » dans votre moteur de recherche.

 

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