Le décret n°2011-144 du 2 février 2011 est enfin venu fixer les conditions et les modalités de la lettre recommandée électronique. 
La loi du 13 mars 20001, a donné une valeur juridique aux écrits électroniques en transposant en droit français la directive européenne sur les signatures électroniques2. Cette directive consacre le principe selon lequel l’écrit électronique bénéficie de la même force probante que l’écrit sur support papier3 , sous certaines conditions, codifiées en 20054 par l’article 1316-1 du Code civil: « L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. »

L’ordonnance du 16 juin 2005 a précisé qu’une lettre recommandée peut être envoyée par courrier électronique pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat : « Une lettre recommandée relative à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat peut être envoyée par courrier électronique à condition que ce courrier soit acheminé par un tiers selon un procédé permettant d'identifier le tiers, de désigner l'expéditeur, de garantir l'identité du destinataire et d'établir si la lettre a été remise ou non au destinataire. »  (Article 1369-8 al. 1er du Code civil).

Un décret devait préciser les modalités d’application de ces nouvelles dispositions. C’est aujourd’hui chose faite, bien que de nombreuses questions restent en suspens.

La lettre recommandée électronique est accessible à tous, aux professionnels et aux non-professionnels.

Certains sites internet, dont celui de la Poste, proposent un service en ligne de lettre recommandée avec accusé de réception. La personne désirant adresser une lettre RAR en ligne devra se diriger vers le site internet choisi (le tiers), se créer un compte, choisir le document à envoyer depuis son poste informatique, cocher la case « avec ou sans accusé de réception », entrer les coordonnées du destinataire et payer en ligne.

Deux solutions sont possibles pour l’acheminement

 

  • la lettre peut être imprimée par le tiers puis remis par le facteur à l’adresse du destinataire sous forme d’un courrier recommandé au format papier « classique ».
  • Certains opérateurs proposent également une distribution de la lettre sous format électronique, directement dans la boîte e-mail du destinataire. Si le destinataire n’est pas un professionnel, il a « la possibilité (…) d’accepter ou refuser » ce mode de transmission électronique, ce sera alors au tiers chargé de l’acheminement de convertir le document électronique en version papier, et de mandater La Poste pour l’acheminer.

Enfin, le tiers adresse une preuve du dépôt5 à l’expéditeur via un e-mail. Cet e-mail, ainsi que la lettre recommandée électronique seront conservés pendant un délai d’un an par le tiers.

Pour être valable la lettre recommandée électronique suppose un certain nombre de mentions, exigées par le décret :

 

  • Le tiers chargé de l’acheminement de la lettre doit être au préalable identifié : sont notamment exigées pour une personne physique la mention de ses nom et prénom et, pour une personne morale, la mention de ses nom, statut et forme juridique ainsi qu’une adresse électronique et des coordonnées permettant d’entrer en contact « rapidement et de communiquer directement » avec elles.
  • L’expéditeur devra indiquer ses nom et prénom ou, sa raison sociale, ainsi que son adresse de courrier électronique et son adresse postale. Il devra ensuite indiquer les nom et prénom ou la raison sociale du destinataire, son adresse postale ou son adresse électronique, son statut professionnel ou non.
  • Enfin l’expéditeur indiquera, dans le cadre de ses démarches en ligne,  son choix d’une lettre recommandée avec ou sans avis de réception, s’il souhaite un contenu imprimé sur papier ou non ainsi que le choix d’un niveau de garantie contre les risques de perte, vol ou détérioration.

 

Peut-on utiliser la lettre recommandée électronique dans toutes les matières ?

 

Comme l’intitulé du décret l’indique, la lettre recommandée électronique ne concerne pas toutes les matières : seules sont concernées les lettres relatives « à la conclusion ou l’exécution d’un contrat ».

Or, en pratique, la conclusion d’un contrat se fait rarement par lettre recommandée mais par l’apposition de la signature des deux parties sur le même document original.

Seuls des courriers notifiant des manquements dans l’exécution d’un contrat ou une modification du contrat pourront faire l’objet de lettres recommandées électroniques. L’envoi d’une lettre recommandée électronique sera impossible pour une résiliation de contrat.

Cette restriction est certainement due au fait que la résiliation de contrats entraîne de nombreux litiges relatifs à la preuve de l’expédition de la lettre de résiliation et à la date de sa réception, preuve que donne la lettre recommandée avec accusé de réception mais que ne présente pas la lettre recommandée électronique reçue électroniquement, par exemple.

Le coût

 

Le procédé électronique de la lettre recommandée présente un avantage due à l’économie de l’impression du document et des dépenses associées (papier, encre, enveloppes).

Néanmoins, le coût relatif à l’envoi est plus cher. A titre d’exemple, une lettre recommandée (environ 20g) avec accusé de réception, envoyée au format papier via La Poste, coûte environ 4,30 Euros. La même lettre envoyée via son site internet (www.laposte.fr/lre/) coûtera 6,25 Euros, le surcoût venant compenser les frais d’impression et de mise sous pli que l’on pensait avoir économisés.

Ce mode de transmission présente des avantages

 

  • Simplicité : l’envoi du recommandé peut se faire de n’importe où, la seule nécessité étant un ordinateur ou autres technologie de stockage contenant le ou les documents à envoyer et une connexion à internet. La nécessité d’une signature électronique de l’expéditeur sur la lettre ou du destinataire de la lettre sur l’accusé de réception n’est pas prévue.
  • Accessibilité : les professionnels ou les particuliers ne sont désormais plus dépendants des horaires des bureaux de poste ni des files d’attente éventuelles à ceux-ci.
  • Rapidité : la lettre recommandée électronique permet d’accélérer la mise sous pli et donc une rapidité dans le transfert des documents (sauf dans le cas où la lettre est acheminée par voie postale).

 

Mais présente néanmoins des inconvénients

 

  • Le recours à la lettre recommandée électronique reçue par e-mail n’offre pas de garantie s’agissant de l’identité de la personne qui a accepté de recevoir la lettre recommandée. Seule la date à laquelle le destinataire a accepté ou refusé la lettre. L’identité de la personne ayant pris connaissance de l’e-mail ne pourra pas être garantie, sans signature électronique de l’accusé de réception.
  • Le délai de conservation des informations et documents de un an est trop court6 , notamment dans les domaines où les délais de prescription sont supérieurs à un an. Il appartient donc à l’expéditeur de conserver et d’archiver ses preuves d’envoi et de réception.

 

En conclusion

 

Il est conseillé d’appréhender le recours à ce mode de transmission électronique pour le recommandé avec prudence et de privilégier le courrier recommandé postal avec avis de réception lorsque les implications juridiques du courrier peuvent être importantes (confirmation d’un contrat ou encore mise en demeure).

A notre sens, les conditions posées par le décret ne suffisent pas à respecter pleinement l’article 1369-8 alinéa 1 du Code civil. Néanmoins, il semblerait que les prestataires aillent au-delà des conditions du décret pour conférer à ce nouveau mode de transmission électronique la fiabilité requise.

Cela étant, l’électronique ne supplantera pas le papier immédiatement, ce dernier demeurant une  condition de validité de certains actes ou contrats (cas du démarchage à domicile, dénonciation de reconduction de contrat d’assurance, en matière de lettre de change, de vote par correspondance etc.).

Le degré de fiabilité de la lettre recommandée électronique sera augmenté lorsque la signature électronique se sera démocratisée.

 

1 Loi n°2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique.
2 La directive 1999/93/CE du 13 décembre 1999 du Parlement Européen sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques.
3 Repris par l’article 1316-3 Code civil : L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier.
4 Ordonnance n°2005-6774 du 16 juin 2005
5 Ce point n’est pas très précis dans le décret en cas de distribution électronique, il aurait dû prévoir la preuve de la remise du message dans la boîte e-mail ainsi que la preuve de l’ouverture du message
6 Certain tiers prestataire de ce service de LRAR électronique propose une durée d’archivage plus longue.

 

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