Corinne Champagner KatzLa marque, seul droit de propriété intellectuelle susceptible d’être indéfiniment renouvelé, bénéficie dès lors d’une protection ad vitam aeternam. Sa protection et sa défense sont déterminantes de l’avantage concurrentiel que confère ce monopole.

DES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE LIMITES DANS LE TEMPS

La protection de tous les droits de propriété intellectuelle sont limités dans le temps, à l’exception de la marque, qu’elle soit verbale, semi-figurative, figurative simple ou complexe.


En matière de droit d’auteur (toutes les œuvres de l’esprit), les droits patrimoniaux de l’auteur qui lui permettent de contrôler la reproduction et la représentation de son œuvre, dès lors qu’elle est originale, sont protégés depuis la date de création de l’œuvre jusqu’à 70 ans après la mort de son auteur.

(Cf. L. 123-1 du Code de la Propriété Intellectuelle : « L’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l'auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent »)


En cas d’œuvre de collaboration (ex : œuvre audiovisuelle), ce délai de 70 ans court à compter du décès du dernier auteur survivant. En cas d’œuvre collective (revues, journaux, etc.), le délai court à compter de la date de publication de l’œuvre.


A compter de cette échéance, l’œuvre tombe dans le domaine public. Elle peut alors être librement utilisée par toute personne, sous réserve, toutefois, de respecter le droit moral de l’auteur, lequel demeure inaliénable et imprescriptible.


En matière de dessins et modèles déposés, la protection est accordée au titulaire des droits, pour une période de cinq années, à compter de la date de dépôt de la demande auprès de l’INPI pour les dessins et modèles français ou de l’OHMI pour les dessins et modèles communautaires. Cette période de cinq années est renouvelable par périodes de cinq ans jusqu’à un maximum de vingt-cinq années. Au-delà de cette période, le titulaire du dessin ou du modèle peut toutefois bénéficier de la protection plus longue du droit d’auteur (supra) si son œuvre est originale.
Les brevets bénéficient quant à eux d’une durée de protection de vingt ans à compter du jour de dépôt de la demande d’enregistrement. Cette période ne peut pas être renouvelée. Concernant exclusivement les brevets pharmaceutiques ou phytopharmaceutiques, le titulaire des droits peut bénéficier d’un certificat complémentaire de protection, pour une durée égale à la période écoulée entre la demande de dépôt de brevet et la date d’autorisation de mise sur le marché, réduite d’une période de cinq ans, et ne pouvant être supérieure à 5 ans.

LA MARQUE, SEUL DROIT DE PROPRIETE INTELLECTUELLE INDEFINIMENT RENOUVELABLE

Le Livre VII et notamment les dispositions de l’article L712-1 du Code de la Propriété intellectuelle instituent un régime extrêmement protecteur pour la marque. Si la durée de protection conférée par l’enregistrement n’est que de dix ans, cette durée est indéfiniment renouvelable.
« L’enregistrement produit ses effets à compter de la date de dépôt de la demande pour une période de dix ans indéfiniment renouvelable ».


Cette durée décennale vaut également pour la marque communautaire, instituée par le règlement 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993.
Une brève étude de droit comparé fait apparaître que la marque est également protégée pour une période de 10 ans indéfiniment renouvelable, dans la plupart des pays industrialisés : Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Japon et Chine.
De légères différences  tiennent toutefois, en fonction des pays, du point de départ du délai de 10 ans, soit à compter de la date de dépôt, soit à compter de la date d’enregistrement de la marque.
Ainsi, la marque est le seul droit patrimonial de propriété intellectuelle dont les effets peuvent être éternels.

LA MARQUE, ACTIF IMMATERIEL NECESSAIRE AU DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE

Plus encore que les autres droits de propriété intellectuelle, la marque joue un rôle essentiel dans la vie économique des entreprises.
En identifiant les produits et services d’une entreprise de ceux des entreprises concurrentes, elle permet aux entreprises d’assurer leur positionnement sur le secteur du marché qu’elles occupent.
L’effet concurrentiel est immédiat et direct puisque le consommateur porte son choix sur une autre plutôt qu’une autre.
La marque est, en effet, le 1er élément de décision du choix de l’acheteur.
Il s’agit en conséquence pour les entreprises de veiller non seulement à protéger leurs marques en amont mais également à en assurer la pérennité par une exploitation constante et une vigilance particulière à l’usage qui en est fait par les tiers.

LA PROTECTION DE LA MARQUE

La stratégie de dépôt des marques par une entreprise est étroitement liée à ses perspectives de développement économique.
L’enregistrement d’une marque répond en effet aux principes de spécialité et de territorialité : la marque est enregistrée pour désigner des produits ou services déterminés sur un territoire désigné.
Le dépôt doit prévoir et définir ;
-    les territoires sur lesquels la protection de la marque est sollicitée. Il peut s’agir d’une marque française, communautaire ou internationale.
-    les classes de produits et services pour lesquelles la demande d’enregistrement est déposée.
A cet égard, il est nécessaire d’anticiper la politique de développement de sa marque, afin de s’assurer une position monopolistique dans les secteurs et territoires envisagés.

LA PERENNITE DE LA MARQUE

L’enregistrement de la marque confère à son titulaire une protection pour une durée de 10 ans, indéfiniment renouvelable. Il est très important à cet égard d’assurer ou de faire assurer une veille permanente et un suivi vigilant des échéances de renouvellement afin de ne pas risquer de perdre définitivement les droits sur cette marque.
La pérennité de la marque est par ailleurs subordonnée à l’exploitation continue de celle-ci. Le Code de la Propriété Intellectuelle subordonne en effet le maintien du droit de marque à une exploitation continue de celle-ci. A défaut d’exploitation sérieuse de la marque pendant une durée ininterrompue de cinq ans (L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle), le titulaire encourt la déchéance de ses droits.


La durée de vie de la marque est également tributaire de l’usage qui en est fait par les tiers et encourt, à ce titre, un double danger.
Le titulaire d’une marque peut tout d’abord devenir victime du succès de cette dernière. Les textes prévoient en effet qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait « la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service » (article L.714-6 du Code de la Propriété Intellectuelle).
Il convient que le titulaire de droit, qui constate que sa marque est utilisée par des tiers pour désigner usuellement le produit ou le service pour lequel elle a été enregistrée, ne tolère pas cet usage. Il lui faut entreprendre les actions nécessaires à la préservation de ses droits : avertissements, publication de rectificatifs, campagnes de publicité, etc.
En matière de marques, la tolérance de l’utilisation illicite par les tiers doit être « le zéro pointé ».
Enfin, le titulaire d’une marque ne doit pas tolérer l’usage d’une marque postérieure contrefaisante pendant cinq ans, sous peine d’être forclos pour agir en contrefaçon (article L. 716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle).


La pérennité de la marque et, en général, de tous signes distinctifs régulièrement enregistrés nous donne sa dimension économique.
La marque étant un actif immatériel incontournable, l’entreprise se doit de maintenir une politique exigeante, exclusive de toute tolérance ou négligence.

 

Corinne Champagner KatzCorinne CHAMPAGNER KATZ
Avocat au Barreau de Paris
Spécialiste en propriété intellectuelle
CCK Avocats
www.champagnerkatz.com