Corinne Champagner KatzLa contrefaçon est une menace permanente qui atteint tous les acteurs de la vie économique quelle que soit leur taille. Les actes de contrefaçon entraînent au détriment des entreprises une perte de parts de marché et consécutivement une perte de chiffre d’affaires.

Les marques dites de luxe ne sont pas les seules touchées par la contrefaçon. De nombreuses PME et TPE en sont aussi victimes.

La créativité de ces entreprises les désigne comme une cible idéale pour les contrefacteurs.

 

Ces entreprises consacrent des budgets importants à la recherche et au développement, garantie nécessaire d’assurer à leur clientèle la création de produits originaux qui une fois mis sur le marché représentent toute leur valeur ajoutée et leur avantage concurrentiel.

Une grande part de l’économie nationale repose sur la créativité de ces petites et moyennes entreprises qui créent tous les jours des produits "anonymes" et qui constituent une offre considérable aux consommateurs.

Contrairement aux marques de haute renommée, la valeur ajoutée de ces produits issus de ces entreprises inconnues du grand public réside uniquement dans l’effort de création des stylistes et designers qui les ont conçus. 

L'effet direct de la contrefaçon est qu'elle annule tous les retours positifs qu’une entreprise attend de sa création. Elle nuit aussi à l’image de marque de l’entreprise et dilue la force des investissements. La rapidité de la reproduction, de la fabrication des contrefaçons implique pour les entreprises de mettre en place une véritable veille stratégique et de défendre leurs droits par la mise en place rapide d’actions efficaces en contrefaçon.

Internet a amplifié le phénomène et représente un lieu d’action confortable pour les contrefacteurs. Les produits contrefaits peuvent être vendus via une plateforme e-commerce, permettant aux cyber-contrefacteurs de protéger plus longtemps leur anonymat.


PROTECTION PAR LE DROIT D’AUTEUR :

En France, la contrefaçon en matière de droit d’auteur est sanctionnée au visa  des dispositions de l’article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que : « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite ».

En matière de droit d’auteur (toutes les œuvres de l’esprit), les droits patrimoniaux de l’auteur, dès lors que l’œuvre est originale, sont protégés sans formalité depuis la date de création de l’œuvre jusqu’à 70 ans après la mort de son auteur.

Dans cette hypothèse, il est important de retracer le processus de création au moyen notamment d’attestation du styliste, d’attestations du fabricant  et de toutes les personnes qui ont participé à la création ou qui en ont été  les témoins.

La preuve de l’antériorité sur le modèle contrefaisant doit être rapportée. Plusieurs moyens permettent de donner une date certaine à la création d’un produit (horodatage internet, constat d’huissier).

La protection donnée aux créations dépend de leur caractère original. L’originalité de la création copiée est appréciée souverainement par les juges du fond.  La notion de mérite de la création et/ou de la faible notoriété du nom de l’entreprise qui porte cette création doit rester indifférente du dossier et de la considération que les tribunaux apporteront à l’affaire.

La valeur ajoutée sera peu ou prou l’empreinte personnelle que le créateur va donner à l’œuvre « revisitée ». 

PROTECTION DES DESSINS ET MODELES PAR LE DEPOT A L’INPI :

En matière de dessins et de modèles déposés, la protection accordée au titulaire des droits dure cinq années, à compter de la date de dépôt de la demande à l’INPI. Cette période est renouvelable par période de cinq ans jusqu’à un plafond de 25 années.

Enregistrer des dessins et modèles à l’Institut National de la Propriété industrielle (INPI)  permet aussi de donner une date certaine d’existence à ceux-ci.

En matière de protection des dessins et modèles déposes a l’INPI, il n’est plus question d’originalité mais de nouveauté.

Les dispositions de l’article L.511-2 et suivants du CPI précisent qu’un dessin et modèle n’est protégeable que s’il est nouveau, c'est-à-dire si, à la date de son dépôt, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué et s’il présente un caractère propre, qui existera « lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée ».

Les juges ne décideront l’annulation d’un modèle que s’il est identique à une véritable antériorité.

PRÉALABLE À L’ACTION EN CONTREFAÇON : LA PREUVE DE LA TITULARITÉ

Le demandeur à une instance en contrefaçon doit apporter la preuve de sa propriété  sur les droits de propriété intellectuelle revendiqué.

En principe la société exploitante d’un modèle peut bénéficier de la présomption de titularité institué par la jurisprudence.

Les dispositions de l’article L-511-9 indiquent  que la protection du dessin et modèle est accordée « au créateur ou à son ayant-cause » et précise ensuite que « l’auteur de la demande d’enregistrement est, sauf preuve contraire, regardé comme le bénéficiaire de cette présomption ». En droit d’auteur la mise en œuvre d’une action en contrefaçon nécessite de rapporter la preuve de la titularité des droits invoqués par le demandeur.

L’article L 113-1 du CPI précise « la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».

Il reste néanmoins prudent d’établir les circonstances de la création et la cession entre la personne physique et la personne morale.


ÉVALUATION DU PRÉJUDICE LIÉ À LA CONTREFAÇON :

L’adoption de la loi du 29 octobre 2007, dite de lutte contre la contrefaçon, qui  transpose l’article 13 de la directive communautaire 2004/48 en droit interne a posé les critères à prendre en considération en matière d’indemnisation.

Les dispositions légales de la Loi sont les mêmes qu’il s’agisse du droit d’auteur (article L331-1-3) ou du droit des dessins et modèles (article L 521-7) :

« Pour fixer des dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l’atteinte.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative ou sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a été porté atteinte ».

Les « conséquences négatives » recouvrent le manque à gagner et les pertes subies.

Le manque à gagner représente l’ensemble des sommes que la victime aurait encaissé si ses produits n’avaient pas été contrefaits et si elle avait été en mesure de vendre ses propres produits.

L’évaluation du manque à gagner se fait généralement au regard de la masse contrefaisante, c’est-à-dire au nombre de produits contrefaisants.

Les pertes subies correspondent aux coûts que la victime a engagés pour créer l’objet de l’action en contrefaçon.  Elles englobent la création, le développement, la promotion, la perte de clientèle mais aussi  la banalisation de la marque du fait de la contrefaçon.

La prise en compte « des bénéfices réalisés par le contrefacteur » est l’un des principaux apports de la loi du 29 octobre 2007.

Le principe traditionnel « tout le préjudice, rien que le préjudice et seulement le préjudice » semble être mis à mal dans la mesure où ces bénéfices indus pourraient et devraient être attribués à la victime.

D’autres modes de réparation sont prévus par le code de la propriété intellectuelle telles que les publications judiciaires ou la réparation des actes connexes de concurrence déloyale ainsi que les mesures d’interdiction ou de destruction.


En conclusion :

Si les pouvoirs publics font preuve de résilience en matière de lutte contre la contrefaçon, les effets pervers de ce mal endémique ne sont que partiellement combattus.
Les condamnations financières doivent permettre de dissuader les contrefacteurs.
Cette perspective aussi utopique soit elle se doit d être la seule priorité.


Corinne Champagner KatzCorinne CHAMPAGNER KATZ
Avocat au Barreau de Paris
Spécialiste en propriété intellectuelle
Et
Charlotte GALICHET
Avocat au Barreau de Paris
CCK Avocats
www.champagnerkatz.com