Piotr MICHEJDAIl y a maintenant un peu plus de 3 décennies, depuis la fin des années 70 début des années 80, que la logistique est devenue un domaine fonctionnel majeur dans les méthodes de management des grandes entreprises industrielles et commerciales, souvent à parités avec les directions de la production, le marketing, l’administration les ressources humaines et la finance. A l’heure de la mondialisation et des échanges globalisés, il n’est pas de développements, de rentabilités et de performances économiques possibles sans la prise en compte de tout ce qui constitue « la chaîne logistique », que l’on peut, dans l’absolu, confondre avec la chaîne de valeur de toute entreprise moderne. Mais ce qui est une réalité pour les grandes entreprises internationales, l’est-il pour les PME/PMI ?

Si la réponse était oui, alors pourquoi les PME/PMI, françaises en particulier, sont-elles si peu performantes à l’international ?

Outre les difficultés à concevoir et mettre en œuvre une démarche marketing adaptée aux exigences de marchés différents des marchés domestiques, l’expérience nous montre que l’absence d’une approche « logistique » de leurs développements et de leurs organisations, constitue un facteur explicatif de ces faiblesses.
Nous essayerons de voir dans cet article, comment une approche logistique de l’organisation et du développement des PME/PMI, peut ou pourrait devenir un facteur clé de leurs performances.

Pour ce faire, nous procéderons en 2 étapes :

1.    Une présentation de ce que recouvre le terme logistique.
2.    Une analyse de la problématique logistique des PME/PMI.

La logistique, une conception « transversale » de l’entreprise.

Souvent réduite au transport et au stockage, la logistique recouvre en réalité un ensemble complexe de tâches et de fonctions induites par les activités productives et commerciales des entreprises.
C’est ainsi que nous proposons de définir la logistique de la façon suivante :
Ensemble des tâches et opérations qui ne relèvent ni du processus de fabrication, ni de la démarche commerciale. Mais pour ces deux domaines, la fabrication et le commercial, la logistique constitue un facteur d’efficacité et de performance et, par voie de conséquence, fait partie intégrante de la chaîne de valeur économique de toute entreprise.

La logistique peut ainsi s’appréhender à 3 niveaux :

1.    Au niveau opérationnel, selon la nature et l’enchaînement des tâches. Les tâches peuvent elles se classer en 5 catégories :

a.    Les opérations de déplacement (i.e. transport)
b.    Les opérations de manutention (i.e. transbordements, chargement/déchargements…)
c.    Les opérations statiques (i.e. stockage, entreposage)
d.    Les opérations accessoires (i.e. emballage, conditionnement, préparation de commandes…)
e.    Les opérations de suivi-information (i.e. gestion des stocks, localisation des produits…)

2.    Au niveau fonctionnel

De par la place qu’elle occupe dans l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise, la logistique consiste à optimiser chaque catégorie de tâches ainsi que leurs combinaisons/enchaînements, afin de servir au mieux les opérations de fabrication et de vente. Servir au mieux, signifie de les rendre les plus efficaces et performantes possible au regard d’une combinaison de critères quantitatifs et qualitatifs. La logistique est, en ce sens, centrée sur les besoins de ces 2 fonctions de base de l’entreprise (produire et vendre). On distingue à ce niveau, la logistique amont (Supply chain) de la logistique aval (distribution). Dans le cas de relations B to B, la logistique aval fait partie de la Supply chain des entreprises clientes.

3.    Au niveau structurel/stratégique

Lorsque, une fois optimisées les différentes tâches et opérations (individuellement) ainsi que leurs combinaisons/enchaînements, il est possible voire souhaitable d’envisager des modifications de la structure industrielle (localisation des unités de production, modification de la nature des inputs…) et/ou commerciale (système commercial, modalités de livraison des marchandises vendues, leur entreposage…), la logistique acquière une dimension structurelle et stratégique pour les entreprises. Il arrive qu’elle en constitue la stratégie.
En résumé, la logistique concerne l’ensemble des flux, amonts et avals, des produits et matières qui constituent l’activité productive et commerciale de l’entreprise. La notion de flux est celle qui permet de « traverser » la structure et l’organisation de l’entreprise.

La logistique dans les PME/PMI.

La logistique concerne, bien entendu, en priorité, les entreprises qui ont une activité industrielle (fabrication) et/ou commerciales (achat/vente), car ce sont ces activités qui génèrent des flux de matières et/ou de produits. Mais les entreprises de services ont, elles aussi, des problématiques de flux avec la gestion d’éventuels engins (de chantiers par exemple), de pièces de rechange (entretien de machines de bureau par exemple) et de consommables (cartouches d’encre, papiers…). Ce sont toutefois les premières qui nous occupent dans la présente approche.


Si la maîtrise des fonctions de production, de vente et d’administration constitue la base des organisations des entreprises, il est rare, voire exceptionnel, que les PME/PMI disposent de véritables responsables fonctionnel en charge de la logistique. Celle-ci est, au mieux, assumée par un éventuel responsable d’entrepôt qui assure la gestion physique des stocks (de matières premières, comme de produits finis), et un(e) assistant(e) commercial(e) qui assure les achats des transports requis (quel que soit le mode), que ce soit pour l’approvisionnement et/ou la livraison.


Dans la plupart des entreprises de cette catégorie, les opérations et tâches logistiques sont plutôt externalisées (sous-traitées). En conséquence de quoi, les PME/PMI considèrent les transports et la logistique presque exclusivement comme des coûts externes qu’elles ne peuvent ou ne veulent maîtriser, n’ayant bien souvent qu’une idée approximative, probablement erronée, des montants et des proportions que ces coûts représentent dans leurs comptes d’exploitations.


Or non seulement ces coûts doivent être optimisés (un service maximum pour un coût minimum) et pour cela ils doivent être parfaitement identifiés et affectés, mais leur bonne connaissance permet d’évaluer, le cas échéant, d’adapter, l’organisation des opérations - industrielle et commerciales - que ces activités logistiques se doivent de « servir » au mieux.


Appréhender l’organisation et la structure des PME/PMI au travers de la logistique revient, bien souvent, à remettre en cause la pertinence et l’efficacité des dispositifs en place, car l’optimisation logistique revient à optimiser :
-    les transports et leurs achats ;
-    les opérations de manutentions ;
-    les stocks et des conditions de stockage ;
-    les opérations accessoires ;
-    et les opérations de suivi et de contrôle (hors processus de fabrication).


Autrement dit, on touche au travers de cette démarche aux politiques industrielles (approvisionnements), commerciales (livraisons), administratives (information et gestion) et financières (investissements et fond de roulement).


D’un point de vue méthodologique, l’analyse logistique de l’entreprise passe par les étapes suivantes :
1.    Une identification de toutes les tâches et opérations logistiques de l’entreprise ;
2.    Une évaluation quantitative de leur valeur et qualitative de leur complexité individuelle ;
3.    Une évaluation quantitative de leur enchainement dans leur ensemble et qualitative de leurs performances dans la chaîne de valeur de l’entreprise (leur contribution à la valeur ajoutée de l’entreprise) ;
4.    Une évaluation qualitative de leurs performances par rapport aux structures et au développement de l’entreprise.


Chaque ensemble de tâches constitue une partie du système logistique global de l’entreprise, système qui peut être optimisé grâce à des outils mathématique tels que la recherche opérationnelle.


Dés lors qu’un ensemble de tâches représente une part significative de l’économie d’une entreprise, que ce soit par les volumes des achats, par l’importance des investissements nécessaires (immobiliers par exemple), par les charges et/ou les pertes qu’elles entraînent…l’analyse logistique permet d’intervenir de façon pertinente sur les domaines suivants :


+ L’organisation et les achats des transports de marchandises pour les différents modes de transports pratiqués – routiers, ferroviaires, maritimes, aériens, fluviaux et/ou combinés – que ce soit pour les transports amonts (approvisionnement), pour les transports avals (livraison/distribution), pour les transports locaux, nationaux ou internationaux ;


+ L’organisation et la gestion optimale des stocks et des entrepôts ainsi que celles des opérations de manutentions, transbordements, de conditionnement et de préparations de commandes qui s’y exécutent, tant du point de vue des aspects humains (formation, organisation du travail, sécurité…), que matériels (gestion du parc d’engins de manutention tels que les chariots élévateurs et autres engins de levage, la gestion du parc de palettes, l’aménagement des quais et des installations de stockages (racks) etc.…) ;


+ Le choix et la mise en place de systèmes de suivis et de contrôles des marchandises avant leur utilisation dans le processus de fabrication (Supply chain) et après leur sortie de celui-ci pour être livrées sur leurs sites de consommation (industrielle ou finale). Même si la mise en place de systèmes informatisés nécessite la clarification des définitions des taches et de leurs enchaînements, ces systèmes ne font pas la logistique de l’entreprise, ils la servent.


+ L’organisation et l’optimisation de la chaîne logistique dans son ensemble et ses relations avec les structures – localisation des unités de production, des unités de stockage, positionnements commerciaux et modalités de distribution… – de l’entreprise.

En procédant de la sorte, il est fréquent d’arriver à une optimisation des dépenses de l’ordre de 15 à 25 % selon les cas, à plus forte raison quand il s’agit de flux internationaux et que les entreprises prennent conscience de la dimension stratégique du sujet.

Un approvisionnement en matières premières aux moindres coûts, des stocks de matières premières et de produits finis générant des coûts financiers aussi faibles que possibles tout en assurant la continuité de la production et la fiabilités des livraisons aux clients, des délais de réponses commerciales aussi courts que possibles et la capacité de réguler la production, gage d’une productivité optimale… tels sont les enjeux d’un management de la logistique pour les PME/PMI.

 

Piotr MICHEJDAPiotr MICHEJDA,
Directeur de missions Transport et Logistique d’ESALYS
http://www.esalys.fr