Nathalie MALKES KOSTERLa Cour de cassation a élaboré, au cours des dernières années, un ensemble de règles qui définit les obligations du banquier dispensateur de crédit et ce, tant à l’égard de l’emprunteur lui-même que de la caution. Cette dernière, compte tenu du caractère accessoire de son engagement, peut en effet se prévaloir aussi bien d’une faute commise envers le débiteur principal, que de celle commise directement à son égard.
La Cour suprême a dégagé un régime dualiste de responsabilité, en distinguant les emprunteurs et cautions avertis de ceux qui doivent être considérés comme de simples profanes.

A l’égard du profane, le banquier est tenu d’un devoir de mise en garde. Il doit à la fois attirer son attention sur les risques de l’opération envisagée et vérifier que le crédit ou l’engagement est compatible avec ses capacités financières (Cass. Civ 1ère. 12 juillet 2005, n° 03-10.921 et n° 03-10.115.).

En revanche, l’emprunteur ou la caution avertis ne peuvent rechercher la responsabilité de l’établissement de crédit que dans les rares cas où il est établi que ce dernier disposait d’informations sur leur situation financière qu’eux-mêmes auraient ignorées (Cass. Com. 6 mai 2006, n° 04-19.315 ; Cass. Com. 20 juin 2006, n° 04-14.114).

Il faut préciser que la distinction entre profane et averti coïncide souvent, mais pas nécessairement, avec celle, bien connue, qui oppose le professionnel au non professionnel. Tout dépend du degré effectif de compétence de l’emprunteur ou de la caution.

Ainsi, il a été admis qu’un professionnel en début d’activité ou dépourvu de l’expérience suffisante pour apprécier les risques financiers de l’opération projetée pouvait être qualifié de profane (Cass. Ch mixte 29 juin 2007, n° 05-21.104). A l’inverse, un emprunteur sans connaissances particulières en matière de crédit, mais qui avait bénéficié de l’assistance d’une personne compétente lors de la signature des actes, a pu être considéré comme averti (Cass. Com. 3 mai 2006, n° 02-11.211)

Lorsque la responsabilité de la banque est caractérisée, quelle est la sanction encourue ?

La caution, personne physique, peut demander à être déchargée partiellement, voire même totalement, de son engagement s’il s’avère que le cautionnement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus (art. L. 341-4 du Code de la consommation).
Elle peut également, à l’instar de l’emprunteur, obtenir des dommages et intérêts et solliciter la compensation avec les sommes dues à la banque créancière.

Comment s’apprécie le préjudice indemnisable ?

La réponse est très différente selon les juridictions.
L’emprunteur peut être déchargé du paiement des intérêts produits par la somme prêtée (Cass. Civ. 1ère 12 juillet 2005, préc.). Il peut également obtenir des dommages et intérêts évalués forfaitairement (Paris, 7 mai 2009, Juris-Data n° 2009-005049), ou fixés en pourcentage du capital dû (Toulouse, 22 novembre 2007, Juris-Data n° 2007-351083) ou, enfin, d’un montant équivalent au solde de l’emprunt (Bordeaux, 29 février 2009, Juris-Data n° 2009-004210).
Certaines décisions ont même admis que le préjudice résultant du non respect du devoir de mise en garde pouvait être évalué à l’intégralité des sommes réclamées au titre de l’engagement d’une caution (Rennes, 6 mars 2009, Juris-Data n° 2009-003667 ; Angers, 24 juin 2008).

Afin de limiter ces disparités, la Cour de cassation vient d’intervenir dans le débat.
Dans un arrêt de principe du 20 octobre 2009 qui, par la généralité de ses termes, vaut tant pour l’emprunteur que pour la caution, la Chambre commerciale décide que « le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte de chance de ne pas contracter » (Cass. Com. 20 octobre 2009, n° 08-20.274).
Désormais, le débiteur, emprunteur ou caution, ne pourra plus réclamer une indemnisation d’un montant équivalent à celui de sa dette vis-à-vis de la banque.

Nathalie MALKES KOSTER
Nathalie Malkes Koster
Avocat au Barreau de Paris
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