Benchmark France AllemagneAlors que l’Allemagne compte un tissu de PME considéré comme la source de sa performance économique, la France peine à voir le sien se développer. Si tout n’est pas transposable d’une rive à l’autre du Rhin, certaines idées et pratiques méritent considération.

 

Le soutien financier 

Fin 2012, est annoncée par le gouvernement Ayrault la création de la Banque Publique d’Investissement. Cette structure se donne pour objectif d’apporter un vrai soutien financier (12 milliards d’euros d’ici 2017) aux PME et ETI françaises, qui sont en difficulté. En Allemagne, un établissement de ce type existe depuis… 1948. La KfW y est ainsi l’un des piliers de l’aide aux PME, qui sont 20 000 à en avoir profité depuis 2009. En France, les mesures fiscales ou financières annoncées ces derniers mois (1) confirment la volonté de faire du soutien économique aux PME un axe politique majeur.

Mais ces efforts ne compensent pas un autre phénomène défavorable aux PME françaises : leurs difficultés d’accès au crédit bancaire : le taux de croissance annuel de l'encours de crédits aux PME est négatif depuis la crise. En Allemagne au contraire, l’appui des banques aux PME reste bien plus solide, dans un contexte où la relation de proximité avec les caisses d’épargne favorise les relations de long terme entre partenaires. « Environ 80% des PME obtiennent les financements de leur banque », annonçaient en 2009 les économistes de la Deutsche Bank.

Le difficile chemin vers la croissance : du soutien à la protection

D’ailleurs la principale difficulté des PME françaises semble toujours se situer à l’étape de la croissance et du développement : il y a deux fois moins d’ETI en France qu’en Allemagne ! « Les PME françaises ne souffrent pas d’un problème de natalité mais de croissance, qui explique le déficit significatif d’entreprises de taille moyenne », regrette Xavier Darrieutort dans le cadre de sa réflexion sur la compétitivité des PME (2).

La nature des relations entre les PME et les grands groupes apporte aussi une explication à cet état de fait. Car en Allemagne, la culture du partenariat est légion. C’est ce que souligne Reinhart W. Wettmann dans son article sur le « très envié Mittlestand allemand » (3).

En France en revanche, les PME ont plutôt tendance à se faire absorber, tant et si bien, comme le relève un rapport parlementaire de 2010 (4), qu’on ne compterait que 5% d’entreprises de plus de 500 salariés toujours indépendantes. Or ces absorptions auraient tendance à porter préjudice au développement des sociétés contrôlées, aspirées dans des logiques de groupe. C’est l’expérience qu’ont vécu par exemple la Compagnie du vent, leader français de l’énergie éolienne au moment de l’entrée à son capital de GDF-Suez, ou encore Apex BP Solar France, société héraultaise spécialisé dans le photovoltaïque et filiale du pétrolier BP (devenue fin 2013 Apex Energies). Elles ont lourdement subi les conséquences des décisions des groupes les contrôlant. Dans le premier cas, la PME a été empêchée de prendre parti à des marchés pourtant au cœur de son métier ; dans le second, elle a été forcée de licencier alors qu’elle était rentable.

En Allemagne, en plus d’une culture bien ancrée, une loi protège les PME de ce type d’actions pouvant nuire à leur développement. Il s’agit de la loi Aktg du 6 septembre 1965, qui impose aux grosses entreprises qui en contrôlent des plus petites, et dès lors qu’une relation de dépendance est reconnue, de ne pas adopter de décisions nuisibles à ces dernières. Dans le cas contraire, le grand groupe devrait dédommager la PME et ses actionnaires minoritaires. En France, il n’existe pas de disposition semblable, et seules les règles de droit commun peuvent être invoquées, difficiles à appliquer et peu protectrices dans ce type de cas.

Néanmoins certains pensent aujourd’hui que l’expérience de la Compagnie du Vent, entre autres mésaventures du même type, doit obliger à repenser cet aspect de notre législation. Un groupe de parlementaires propose ainsi de s’inspirer du modèle allemand pour adopter une loi similaire sur la protection des PME et de leurs intérêts minoritaires. Ils estiment en effet qu’à l’image de ce qu’il se passe en Allemagne, un texte de ce type pourrait dissuader les « prédateurs » et valoriser les relations gagnant-gagnant : des PME qui peuvent s’appuyer sur le soutien des grands groupes, et des grands groupes qui peuvent durablement compter sur des partenaires réactifs, innovants et en bonne santé.

Tirer les leçons des comparaisons

Avec ses PME reines de l’export, ses nombreux « champions cachés », leaders sur des marchés de pointe à l’international, et son excédent commercial record, l’Allemagne se félicite du succès de ses PME, la « colonne vertébrale de [son] économie », comme l’appelle Angela Merkel. A la peine, la France cherche à relancer le dynamisme de ses petites et moyennes entreprises dont le chemin vers la croissance est semé d’embûches. Devenu, et pour cause, l’une des grandes priorités du gouvernement, le chantier de la protection et du soutien des PME devrait encore connaître des évolutions significatives au cours des prochains mois. Pour enfin contribuer à redonner des couleurs à notre économie ?    

 

(1) http://www.redressement-productif.gouv.fr/financer-pme

(2) http://www.generationfrance.net/web/tl_files/pdf/201101_PME.pdf

(3) http://www.fesparis.org/tl_files/fesparis/pdf/publication/Mittelstand.pdf

(4) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782110081629/