Bernard ORTEGALe Management moderne ne peut ignorer la richesse humaine comme valeur absolue. L’enrichissement personnel ou collectif a ses règles. La spéculation à outrance, c’est la règle du profit sans conscience. C’est l’obsession du matérialisme qui nie totalement la vraie ressource humaine. Par la voie du bon sens, l’enrichissement n’est pas une fin en soi. Il est un moyen. Moyen de comprendre, de s’ouvrir, d’agir, de soutenir, de vivre. Il est surtout un moyen de valoriser la précieuse existence humaine, au service de tous les êtres.

Confrontées à une compétition toujours plus vive, les entreprises ont fait ces dernières années la part belle aux méthodes, aux processus et aux technologies pour rationaliser leur production et améliorer leur performance. Mais dans un nombre croissant d’entreprises, cette approche commence à faire sentir ses limites. Chaque nouvelle mesure, parce qu’elle conduit les hommes et les femmes qui constituent l’entreprise à repousser un peu plus loin leurs limites,

comporte sa part de stress. Au fur et à mesure, par strates, c’est toute la capacité de l’entreprise à améliorer ses performances ou à se réorganiser qui se trouve remise en cause. Sauf à renouveler les équipes, ce qui signifie perdre une bonne part de la connaissance et des savoir-faire accumulés.

➔ UN NOUVEAU CALCUL DE LA RENTABILITÉ

La tension morale et physique des employés entre encore trop peu souvent dans l’évaluation de la rentabilité des mesures ou dispositifs sensés renforcer la compétitivité ou la réactivité des entreprises par plus d’automatisation et de contrôle.

Par comparaison, nombre d’entreprises se comportent comme des écuries de formule 1 qui se concentreraient exclusivement sur l’amélioration technique de leur voiture, sans évaluer pleinement les conséquences pour les pilotes.
À la décharge des entreprises, cependant, il faut reconnaître que la détection de l’impact négatif du stress sur l’activité n’est ni facile ni intuitive. Et cela d’autant moins que la reconnaissance du phénomène bute sur un obstacle culturel.

➔ RÉSISTER À LA PRESSION

Reconnaître que l’on est soumis au stress est encore trop souvent considéré comme l’aveu d’un point faible. Cela est aussi vrai pour l’entreprise dans son ensemble que pour chaque salarié individuellement, lorsqu’il est témoin d’une situation de stress. Trop souvent encore, ne pas « résister à la pression » reste synonyme de mise à l’écart. Le stressé est plus considéré comme coupable de ne pouvoir se maîtriser, que comme victime. En réalité, chaque manifestation de stress observée chez les autres e à chacun, collaborateur ou dirigeant de l’entreprise, qu’il peut, ou qu’il en est lui aussi la victime. C’est la raison pour laquelle ces manifestations sont niées, rejetées dans la sphère culpabilisante des défaillances individuelles.

Par mon métier d’origine, le théâtre, j’ai constaté des résultats étonnants sur les participants à mes séminaires. L’exercice théâtral invite à rajeunir, à prendre de la distance, à jouer, donc à se détendre.Le jeu théâtral n'est rien d'autre que le jeu qui n'est pas un jeu. Il n'est que jeu car nous savons que dans l'instant du jeu, ce n'est pas réel, ce n'est pas vrai. Pourtant le jeu va s'alimenter du réel. Si nous ne sommes pas vrais, le jeu est faux.

Ce que nous allons voir dans le jeu, c'est quelque chose d'hyper vrai, hyper fort. C'est pourquoi, nous allons au théâtre, au cinéma. Car le jeu réel, celui de tous les jours est mièvre et sans gout. Le théâtre nous transcende et permets de voir clair en nous, car il faut exprimer des émotions fortes pour sortir de nous. La notion de jeu implique la distance. Nous allons jouer à mourir, jouer à aimer, jouer à haïr. Nous allons ressentir tout cela, mais en même temps, ce n'est pas vrai. On apprend beaucoup des hommes en les jouant, on apprend beaucoup sur soi, il faut être très agile pour être un type paumé et ivre, un fasciste, un gros con bof, un cadre bien lisse, un homo angoissé etc…. Et, en jouant ainsi, une espèce de catharsis, de transformation magique s'opère. En observant le personnage représenté, nous devenons plus lucides sur notre comportement, sur nos modes de fonctionnement. Le jeu théâtral a une résonnance profonde sur notre compréhension de l'humain.

Dans l'improvisation collective ou individuelle que je propose en séminaire, on va essayer de s’abandonner, le temps d'un instant de jeu, d'être un autre, une autre…et c'est le sujet et l'émotion forte qui l’accompagne qui le permettent. Le travail que je fais réaliser avec un masque neutre, permets au sujet d’être libre dans son corps et son improvisation car ce n’est plus lui qui joue. Son corps devient libre, ses mouvements larges, son énergie circule à plein. Ici, le masque devient positif et créateur, à l’inverse de ceux qui portent un masque qui leur ressemble, (c'est-à-dire sans masque), où ils se forcent à jouer un personnage qui travaille et qui n’a aucun souci.

Pour se quitter, pour quitter ce que nous sommes il faut avoir l'agilité d'un enfant qui joue.

Le problème de l'adulte, le plus gros problème c'est d'être devenu un adulte sérieux. Il a juxtaposé l'adulte au sérieux. Et la société tout entière le pousse tellement à être sérieux, à ne pas se tromper, à ne pas faire de bêtises. Un enfant qui ne fait pas de bêtises, voilà qui est inquiétant. Un adulte qui n'est plus léger, qui n'a aucun espace de jeu intérieur, de créativité, de spontanéité est surtout une poupée sans vie, qui va tomber malade, et rend malade tout le monde. On peut faire son travail sérieusement sans se prendre au sérieux. Les sérieux ne peuvent être ni légers ni agiles, dans le sens de l'intelligence agile, de l'humanité agile.

Il est vital d’organiser un espace de jeux pour adultes. C’est cela qui est sérieux, c’est ce programme qui permettra de retrouver l’enthousiasme, la motivation et l’échange positif avec ses collaborateurs. A force d’étouffer l’être humain, sous prétexte de rentabilité, on fabrique une société d’inactifs, de névrosés et de malades qui vont coûter une fortune à la Société, et vont provoquer tous les maux de violence, de dépression, de stress et de suicides dont nous sommes déjà les témoins.

Le stress se révèle de plus en plus être un frein à l’amélioration de la performance et de la compétitivité des entreprises. Pour éviter cet écueil, les entreprises doivent non seulement s’engager dans une démarche préventive, mais aussi êtres prêtes à jouer le jeu, c’est-à-dire à cesser de considérer le stress comme une défaillance individuelle.

 

Bernard ORTEGA

Bernard ORTEGA

Coach du top management

www.bernardortega.com