Grégory KAGAN

La loi de finances rectificative du 29 juillet a posé le principe de l’obligation pour tous les justiciables, d’avoir à acquitter à l’occasion de l’introduction d’une action en justice une contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 €.

Les apports du décret N° 2011-1202 du 28 septembre 2011

Pour rappel, l’article 54 de la loi de finances rectificative n° 2011-900 du 29 juillet 2011 a posé le principe de l’obligation pour tous les justiciables (à l’exception de l’État et de ceux bénéficiant de l’aide juridictionnel), représentés ou non par un auxiliaire de justice, d’avoir à acquitter à l’occasion de l’introduction d’une action en justice (sauf certains cas d’exception limitativement énumérés) une contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 €.

Ce même article 54 annonçait qu’un décret viendrait préciser les modalités pratiques du paiement de cette contribution et des incidences de son défaut de paiement sur l’instance concernée.

C’est chose faite par le décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 paru au Journal Officiel du 29 septembre 2011.

En raison de la densité des apports de ce décret et de la diversité des situations envisagées, seuls les points principaux intéressant les modalités pratiques du paiement de la contribution par les auxiliaires de justice (dont les Avocats) en matière judiciaire seront abordés et les lecteurs sont invités à prendre connaissance du texte même du décret n° 2011-1202 pour une étude exhaustive.

Trois adverbes sont donc ici à l’honneur : Comment, Quand et Combien.

 

Comment payer la contribution ?

L’article 54 précité de la loi n° 2011-900 énonce que « lorsque l’instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique. ».

La loi n° 2011-900 fixant l’entrée en vigueur de cette obligation de paiement au 1er octobre 2011, les praticiens se sont inquiétés des modalités pratiques du paiement par voie électronique de la contribution.

L’inquiétude s’est faite grandissante chez les Avocats à mesure que les Ordres et le C.N.B. ont fait savoir que les applications électroniques pour le paiement de la contribution ne seront vraisemblablement pas opérationnelles avant le 1er janvier 2012.

Afin de solutionner cette difficulté et permettre aux auxiliaires de justice de s’acquitter du paiement de la contribution sur la période courant du 1er octobre 2011 au 31 décembre 2011, le décret n° 2011-1202 prévoit que, à défaut de pouvoir acquitter le paiement par voie électronique, l’auxiliaire de justice pourra procéder au paiement de la contribution par « apposition de timbres mobiles » (cf. nouveaux articles 62-4 du Code de procédure civile et 326 quinquies du Code Général des Impôts).

Plus précisément, sauf à ce qu’un nouveau timbre mobile soit créé pour l’occasion, il s’agira des timbres fiscaux à 35 € disponibles chez tous les (bons) buralistes ou les (bons) B.R.A.

Cependant, à l’exception de l’acte de constitution d’appel (cf. nouvel article 964 du Code de Procédure Civile), le décret n° 2011-1202 ne précise pas sur quel document ce timbre mobile doit être apposé.

En l’absence de formulaire spécifique édité par l’Etat, les Juridictions, les Ordres ou le C.N.B., il semble qu’il convient d’apposer le timbre mobile sur l’acte introductif d’instance lui-même (acte de déclaration au Greffe, requête, second original de l’assignation…), sauf certains cas particuliers prévus par le décret n° 2011-12 (notamment, la procédure en injonction de payer et les procédures en appel et en cassation).

Quand justifier du paiement de la contribution ?

Le décret n° 2011-1202 pose le principe que « la personne, redevable de la contribution pour l’aide juridique, justifie de son acquittement, lors de la saisine du juge » (cf. nouvel article 62-4 du Code de procédure civile).
Si l’on se réfère au principe général de procédure civile (mais qui reçoit nombres d’exceptions dans des cas particuliers) selon lequel la juridiction est saisie au jour de la remise de l’acte introductif d’instance à son Greffe (déclaration d’une partie au Greffe, dépôt d’une requête, placement du second original d’une assignation signifiée,…), il semble donc que la contribution devra avoir été acquittée au plus tard au jour de cette remise de l’acte introductif d’instance auprès Greffe de la juridiction.

D’un point de vue pratique, et tant que le paiement par voie électronique ne sera pas opérationnel, il semble qu’il conviendra par exemple :

  • dans les procédures sur assignation, d’apposer le timbre mobile sur le second original de l’assignation avant de l’adresser au Greffe de la juridiction pour placement ;
  • dans les procédures sur requêtes, d’apposer le timbre mobile sur la requête avant de l’adresser au Greffe de la juridiction ;
  • dans les procédures prud’homales, d’apposer le timbre sur le formulaire de saisine avant de l’adresser au Greffe de la juridiction.

Par ailleurs, certains aménagements sont prévus, notamment en ce qui concerne les demandeurs à l’aide juridictionnel (cf. notamment nouvel article 62-4 du Code de procédure civile), la procédure en injonction de payer (cf. nouvel article 1424-16 du Code de procédure civile), la procédure devant la Cour d’Appel (cf. nouvel article 964 du Code de procédure civile) et la procédure devant la Cour de Cassation (cf. nouvel article 1022-2 du Code de procédure civile).

Combien de contribution faut t’il payer ?

Une autre imprécision du décret n° 2011-1202 tient au nombre de contribution à acquitter par instance.
En effet, l’article 54 précité de la loi n° 2011-900 énonce que « la contribution pour l’aide juridique […] est due par la partie qui introduit une instance ».

 

Quid alors d’une pluralité de demandeurs ?

Faudra t’il, dans une telle hypothèse d’introduction d’une instance au nom et pour le compte de plusieurs demandeurs, que l’auxiliaire de justice acquitte autant de contributions qu’il y aura de demandeurs mentionnés au même acte introductif d’instance ou le paiement d’une seule contribution pour l’ensemble des demandeurs représentés par un seul et même auxiliaire de justice suffira t’il ?

À la lecture de l’art. 1635 bis Q. du Code Général des Impôts (« […] une contribution pour l'aide juridique de 35 € est perçue par instance introduite […] »), il semble que ce soit la seconde option qui prévale et que, par conséquent, dans l’hypothèse d’une pluralité de demandeurs tous assistés d’un seul et même auxiliaire de justice, ce dernier devra s’acquitter d’une seule et unique contribution.

Au demeurant, pour plus de certitude, un éclairage du législateur, des juridictions ou des instances ordinales sur ce point sera très apprécié des praticiens.

Bonus : attention à la sévère sanction.

Comme cela était à craindre, le décret n° 2011-1202 prévoit que le non paiement de la contribution est sanctionné par « l’irrecevabilité » de la demande initiale.
Pis encore, à l’exception de la procédure devant la juridiction administrative pour laquelle le décret n° 2011-1202 prévoit que « l’irrecevabilité est susceptible d’être couverte après l’expiration du délai de recours » (cf. nouvel article R. 411-2 du Code de justice administrative), il ne semble pas que, devant les juridictions judicaires, l’irrégularité puisse être couverte.

S’agissant du processus de constatation du non paiement de la contribution, le décret n° 2011-1202 précise qu’il n’appartient pas aux parties de soulever l’irrecevabilité tirée du défaut de paiement de la contribution et qu’il appartient au juge concerné de soulever d’office l’irrecevabilité mais après avoir recueillie les observations des parties ou de leurs représentants (cf. nouvel article 62-5 du Code de procédure civile).

Bien entendu, le décret n° 2011-1202 prévoit que, dans les 15 jours de la notification de la décision du juge sur l’irrecevabilité, les parties pourront former un recours afin que le juge puisse revenir sur sa décision en cas d’erreur (cf. nouvel article 62-5 du Code de procédure civile).



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Avocat
Cornet Vincent Ségurel