Deux obligations majeures à la charge des banques ont émergé ces dernières années, à savoir : le respect du principe de proportionnalité des engagements et le devoir de mise en garde.

Nous examinerons tour à tour ces deux notions et l'impact de la jurisprudence actuelle sur l'accès au crédit.   

1. La proportionnalité des engagements :

Les juges ont institué un principe de proportionnalité des engagements de caution qui impose à la banque de vérifier si une caution sera en mesure de faire face à ses obligations en cas d'impayé.

C’est par un arrêt du 17 juin 1997 que la Cour de Cassation a, pour la première fois, reconnu la responsabilité de la banque en estimant que celle-ci avait commis une faute en demandant un aval « sans aucun rapport avec le patrimoine et les revenus de l’avaliste » (Affaire MACRON, Cass. Com. 17 juin 1997, Bull. Civ. IV, n°188).

Par la suite, la Cour de Cassation a limité la portée de sa jurisprudence en considérant que la banque, qui ne disposait pas d’informations particulières sur les ressources de la caution, n’engageait pas sa responsabilité en raison d’un cautionnement prétendument disproportionné (Affaire NAHOUM, Cass. Com. 8 octobre 2002, Bull. Civ. IV, n°136).

Des Cours d'appel ont estimé de leur côté que la solvabilité de la caution s'appréciait dans l'intérêt exclusif du créancier qui n'avait pas à être sanctionné en cas d'insolvabilité autrement que par les conséquences de celle-ci (impossibilité de recouvrer la créance).

Et de façon générale les juridictions ont longtemps communément estimé qu'une caution dirigeante était la mieux placée pour apprécier une situation financière et qu'elle ne pouvait rechercher la responsabilité de sa banque sur le fondement de la disproportion de ses engagements.

Mais, la situation a changé avec la loi n° 2003-721 dite "Dutreil" du 1er août 2003 qui a introduit dans le Code de la Consommation l’article L. 341-4, lequel interdit à un créancier professionnel de se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.

Cet article, qui a une portée très générale puisqu’il s’applique à toutes les cautions personnes physiques, y compris les cautions dirigeantes, a expressément posé le principe général du respect de la proportionnalité des engagements de caution.

Or, la sanction légale du caractère disproportionné d’un engagement de caution est l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de l’engagement.En d’autres termes, en cas d’engagement disproportionné, la caution, dirigeante ou non, est libérée.

Le législateur n’a eu de cesse d'étendre et confirmer le principe de proportionnalité qui se retrouve également à l’article L. 650-1 du Code de Commerce, issu de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, et qui prévoit que lorsqu’une procédure collective est ouverte, « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ».

En cas de responsabilité du créancier, les garanties prises en contrepartie des concours « peuvent être annulées ou réduites par le juge ».

Mais, même lorsque les articles L. 341-4 du Code de la Consommation (entré en vigueur le 6 février 2004) et l’article L. 650-1 du Code de Commerce (entré en vigueur le 1er janvier 2006) ne sont pas applicables, compte tenu notamment de leurs dates d’entrée en vigueur (dates qui peuvent être postérieures à la date de signature des cautionnements ou à la date d’ouverture de la procédure collective), les juges examinent l’affaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la banque eu égard aux obligations qui lui incombent.

Or, en la matière, une nouvelle obligation a été mise à la charge de la banque : le devoir de mise en garde.


    2. Le devoir de mise en garde :

L’accroissement du nombre de personnes surendettées a amené les juges à renforcer l’obligation d’information qui pèse traditionnellement sur la banque envers les personnes avec lesquelles elle va contracter.

Ainsi, les juges ont mis à la charge de la banque un devoir de mise en garde tant à l’égard des emprunteurs que des cautions.

C’est par deux arrêts du 29 juin 2007, sans cesse confirmés depuis que la Chambre Mixte de la Cour de Cassation a consacré avec force ce devoir de mise en garde (Cass. Ch. Mixte, 29 juin 2007, JURISDATA n° 2007-039909).

Il ne s’agit pas pour la banque d’orienter la décision des emprunteurs ou des cautions dans leurs choix car elle n’a pas à s’immiscer dans les affaires de ses clients mais bien de prévenir les risques d’endettement et de vérifier la capacité financière des clients au regard de leurs revenus et patrimoine.

La banque doit ainsi avertir son client sur les risques d'une opération de financement (et conserver une preuve de cet avertissement !).

La banque doit aussi vérifier la solvabilité de celui qui s'engage et s'assurer que le financement projeté n'est pas disproportionné par rapport à ses ressources et son patrimoine.

Si une disproportion existe, la banque a le devoir de refuser l'opération de financement.

On voit donc que la notion de proportion des engagements réapparaît dans l’obligation de mise en garde qui est d'ailleurs très sévèrement sanctionnée par les juges.

En effet, il arrive même que des banques soient sanctionnées pour des financements antérieurs à la jurisprudence précitée qui est donc appliquée rétroactivement.

Toutefois, le devoir de mise en garde ne pèse sur la banque qu’à l’égard des emprunteurs ou cautions « non avertis », c’est-à-dire ceux qui ne sont pas à même, de par leurs connaissances ou informations en leur possession, d’apprécier les risques liés au crédit.

Il faut souligner que la qualité de professionnel n’entraîne pas automatiquement la qualification d’emprunteur ou caution averti.

Le caractère averti ou non, de l’emprunteur ou de la caution, est souverainement apprécié par les juges du fond à partir de nombreux éléments factuels (connaissance du monde des affaires, âge, expérience professionnelle, fréquence des opérations financières, montant du crédit…).Les cas typiques dans lesquels les banques sont sanctionnées pour manquement au devoir de mise en garde concernent souvent :

-    de jeunes créateurs d'entreprise qui n’avaient pas d'expérience des affaires,
-    des salariés qui, à la suite d’un licenciement, ont créé leur entreprise sans aucune expérience en matière de gestion,
-    des personnes, dirigeantes ou non, insolvables ou sans patrimoine.

Le non respect par la banque de son devoir de mise en garde se traduit par une perte de chance pour l'emprunteur ou la caution de ne pas contracter et est sanctionné par l’allocation de dommages et intérêts calculés suivant un pourcentage librement apprécié par les juges et en principe inférieur au montant de la dette.

Toutefois, il est de nombreux cas où les juges ont prononcé une sanction équivalente à la créance de la banque.

Les banques sont donc de plus en plus sanctionnées et leur responsabilité reconnue sans pour autant qu’il soit toujours pris en compte l’imprudence ou la faute de la victime, alors qu’il est de coutume en droit français de prendre en considération le comportement de la victime dans l’évaluation de la réparation de son dommage.

Eu égard aux nouvelles obligations mises à leur charge, les banques doivent redoubler de précautions et formaliser leurs avertissements et mises en garde afin de justifier du respect de leurs obligations.

Mais elles doivent aussi refuser nombre de financements dès lors qu'un risque de disproportion existe.

Les clients peuvent eux se réjouir de la situation mais ces nouvelles obligations mises à la charge des banques ne risquent-elles pas d'avoir l'effet pervers de fermer la porte du crédit à de nombreux candidats ?

A trop protéger…