DS AVOCATSL’enthousiasme croissant des internautes français pour l’e-commerce conduit au développement de nouvelles pratiques déloyales entre commerçants qu’ils soient ou non concurrents.
Parmi ces nouvelles pratiques illicites figure celle du commerçant qui reprend sur son site Internet les caractéristiques essentielles de la présentation du site d’un autre commerçant afin de profiter de son image et/ou de sa notoriété et s’attirer ainsi une clientèle nouvelle.

Les tribunaux jugent ainsi de multiples affaires en concurrence déloyale et parasitaire, les sociétés reprochant à leurs concurrents d’imiter les éléments de forme et/ou de contenu  de leurs sites Internet.

Bien que ces contentieux exigent d’apprécier au cas par cas les sites incriminés, l’examen des décisions déjà rendues permet de dégager un certain nombre de critères qui, lorsqu’ils sont réunis, conduisent à la condamnation pour concurrence déloyale et parasitaire du commerçant indélicat.

Rappelons à cet effet qu’en vertu de la jurisprudence applicable en la matière, le commerçant loyal a le devoir de se distinguer de ses concurrents afin de ne pas générer de confusion entre ses activités et celles de ses concurrents.

Le parasitisme se définit quant à lui comme l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire, sans rien dépenser ou en exposant des frais bien moindres que ceux auxquels il aurait dû normalement faire face pour arriver au même résultat s’il n’avait pas bénéficié des efforts de l’autre.

Celui qui agit en concurrence déloyale et parasitaire peut voir son grief fondé et ses demandes accueillies s’il démontre aux juges que le site Internet litigieux crée un risque de confusion avec le sien et qu’il banalise ou dévalorise l’image de sa société et celle de ses produits.

Il doit par conséquent justifier par des éléments concrets que la reprise illicite des éléments caractéristiques de son site portent atteinte à sa réputation.

Les juges, qui veillent au respect du principe de libre concurrence, tiennent toutefois à ce que soit démontré que le site Internet copié possède une valeur économique en raison, notamment, de l’investissement financier ou intellectuel réalisé.

A l’examen des décisions citées se dessinent les différents critères qui sont retenus par les juridictions pour retenir le grief de concurrence déloyale et parasitaire.

L’exploitation publique antérieure du site imité ainsi que sa notoriété auprès du public considéré sont des éléments d’appréciation essentiels pour le juge.

La victime doit être en mesure de rapporter la preuve formelle de la mise en ligne de son site Internet, laquelle doit être antérieure à celle du site du concurrent.

Par ailleurs, elle multiplie ses chances d’obtenir la cessation des agissements déloyaux et parasitaires si elle justifie de la notoriété de son site en communiquant, par exemple, des rapports de fréquentation ou d’audience ou encore des revues de presse.

Les juges s’attachent également à déterminer si les ressemblances entre les sites sont mineures ou nombreuses et si elles sont dues à des nécessités fonctionnelles ou non.

La reproduction d’une ambiance ou d’un environnement commercial comme l’abandon soudain et total de présentation d’un site par l’adoption d’un autre ne correspondant pas à une simple et normale évolution du site mais reprenant les caractéristiques visuelles et formelles de celui du concurrent (telles que l’adoption des mêmes mises en forme, mises en page, codes couleur, représentations graphique, logos…) sont autant d’indices pris en compte par les tribunaux.

Par jugement du 29 janvier 2008, le Tribunal de Grande Instance de Paris a statué sur les agissements d’un ancien partenaire d’un site de voyages évincé par un nouveau partenaire. Afin d’empêcher celui-ci de bénéficier de ses efforts et investissements, et au lieu de porter cette affaire en justice pour faire valoir ses droits, le partenaire évincé a ouvert un site Internet concurrent qui copiait l’architecture et le contenu du site du voyagiste et a choisi un nom de domaine quasiment identique à une lettre près de celui de ce dernier (australie-australie.com au lieu de australia-australie.com).

Le Tribunal  a condamné le partenaire évincé pour concurrence déloyale après avoir relevé que le site contesté avait utilisé les mêmes couleurs, arrière-plans et adopté des logo similaires, une même mise en perspective des rubriques proposées ainsi qu’un forum de discussion très ressemblant à celui de son ex partenaire.

Les juges examinent les sites des concurrents afin de rechercher s’ils sont présentés de manière similaire ou non à ceux de l’espèce.

Cet examen permet au juge de déterminer s’il existe un risque de confusion entre les sites en cause pour un internaute moyennement attentif quand bien même ces sites seraient parfaitement identifiables par leurs intitulés ou contenus ou logos.

C’est ainsi qu’aux termes de son arrêt du 23 septembre 2009, la Cour d’appel de Paris a rejeté le grief de concurrence déloyale formé par la société SFR qui reprochait à la société ONE TEXTO d’utiliser la couleur rouge pour illustrer son site Internet qu’elle emploie de longue date aux motifs que la société SFR « ne peut pas monopoliser la couleur rouge amplement répandue ».

Par jugement du 1er décembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de Cussert a quant à lui sanctionné les agissements du site de vente en ligne d’articles de pêche dénommé « peche-direct.com » comme étant déloyaux et parasitaires du fait de la reproduction abondante des textes, slogans, montages graphiques et photographies et dans une certaine mesure des prix et modalités de ventes pratiquées par le concurrent exploitant le site « pecheur.com » mis en ligne antérieurement.

Il a précisé qu’ « en se plaçant ainsi dans le sillage de son concurrent, les responsables de peche-direct.com ont repris le savoir faire de pecheur.com pour exploiter leur propre site, en profitant sans contrepartie du travail et des investissements de leur concurrent ».

Le tribunal a relevé notamment que la concurrence déloyale en question se « situe dans un domaine étroit et fortement concurrentiel du matériel de pêche et de surcroît dans le cadre d’un commerce en ligne qui présente un fort aspect stéréotypé d’annonces commerciales et publicitaires sans originalité et sans indication d’origine protégée et pour lequel les prix pratiqués sont déterminants pour le consommateur ».
Outre l’imitation de la présentation de son site, la victime subit parfois la reproduction ou l’imitation de son nom de domaine, exploité également en tant que nom de domaine par le concurrent déloyal.

Dans l’hypothèse où le nom de domaine est protégé à titre de marque, la victime peut agir à la fois en concurrence déloyale pour ce qui concerne l’imitation de la présentation de son site et en contrefaçon de sa marque pour son exploitation illicite à titre de nom de domaine.

Toutefois, l’action en concurrence déloyale et parasitaire peut se substituer à l’action en contrefaçon dans le cas où le nom de domaine imité ou reproduit ne peut pas bénéficier de la protection du Code de la Propriété Industrielle.


En effet, la reproduction quasi identique du nom de domaine de son concurrent ou encore l’exploitation d’un site Internet à une adresse quasi identique à celle du site Internet du concurrent et correspondant au nom commercial et à la dénomination sociale du concurrent dans le même domaine d’activité  et avec la même clientèle potentielle suffit à fonder une telle action.

Dans une affaire qui a donné lieu à un arrêt de la Cour d‘appel de Paris du 15 février 2006, un concurrent reprochait à un autre d’usurper son nom de domaine dans le but de générer une confusion dans l’esprit du public en retenant un nom de domaine « tarifdouanier.com » alors qu’elle exploitait antérieurement le nom de domaine « tarif-douanier.com ».

La Cour d’appel de Paris a considéré que la reproduction et la réservation du nom de domaine « tarifdouanier.com » destiné à l’hébergement d’un site offrant des produits similaires « constitue manifestement un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur d’attention moyenne qui, compte tenu du fait que la seule différence résidant dans l’absence du trait d’union entre les mots TARIF et DOUANIER, circonstance n’étant pas de nature à modifier l’impression d’ensemble, peut attribuer aux deux sites une origine commune ».

Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait déjà eu l’occasion d’ordonner en référé la cessation immédiate de la redirection du nom de domaine « desfemmes.com » vers un portail pornographique et le transfert de ce nom de domaine au profit de la société d’édition Des Femmes, titulaires du nom de domaine « desfemmes.fr », estimant que « desfemmes.com » créait un risque de confusion avec « desfemmes.fr » mais aussi avec la dénomination sociale de la maison d’édition et son nom commercial (Ordonnance de référé du 28 mars 2003).

L’action en concurrence déloyale et parasitaire reste par conséquent très utile pour lutter contre les pratiques déloyales toujours plus imaginatives des cyber professionnels.

Elle permet d’obtenir la cessation des agissements déloyaux ainsi que des dommages et intérêts qui peuvent être substantiels lorsque la notoriété du site copié est établie.

 

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Créé à Paris en 1972, DS réunit aujourd’hui près de 200 avocats d’affaires exerçant au sein d’un réseau de 14 bureaux.

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