IFL AvocatsDécision de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation - 5 mai 2004
Suite à son licenciement, une salariée travaillant dans un Cabinet d’Expertise Comptable et rémunérée au forfait (pour un horaire de 180 heures), a saisi le Conseil de Prud’Hommes de diverses demandes, et notamment du paiement d’heures supplémentaires afin que soient pris en compte dans son temps de travail effectif ses temps de déplacement pour se rendre chez des clients dans d’autres villes que celle abritant son lieu de travail.

L’arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date du 5 mai 2004 a fait droit à ses demandes, en considérant que « les déplacements de la salariée, qui devait se rendre régulièrement à Lyon, Marseille, Lille, Paris, auprès d’entreprises clientes de l’employeur et à la demande de ce dernier, étaient effectués hors période de travail et dépassaient en durée le temps normal du déplacement entre le domicile et le lieu de travail habituel ».

Il appartient donc aux juges du fond de rechercher si les trajets litigieux dépassent ou non le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, dès lors que le salarié se rend « régulièrement » dans d’autres villes auprès de clients.

Trois conditions doivent alors être remplies pour que les déplacements soient considérés comme du temps de travail effectif :
1° Les déplacements doivent être « réguliers ». Cette condition est nouvelle. Il est cependant dommage que la Cour de Cassation ne précise pas le régime applicable aux déplacements « exceptionnels ».
2° Les déplacements doivent être effectués hors période de travail.
3° Le temps « normal » du trajet domicile / lieu de travail habituel doit avoir été dépassé : pour pouvoir prendre en compte ce dépassement, il faut donc au préalable que les employeurs (ou leur D.R.H.) aient connaissance du temps normal mis par leurs salariés pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail habituel.

Cette décision, qui concerne une salariée d’un Cabinet d’Expertise-Comptable, est en contradiction avec les dispositions conventionnelles applicables à cette activité.

 

Portée de la décision

L’article 8-1-3 de la Convention Collective des Experts-Comptables et des Commissaires aux Comptes prévoit que « Les trajets effectués par le salarié afin de se rendre à son lieu de travail (cabinet ou entreprise cliente) ou en revenir ne sont pas du temps de travail effectif. Cependant, lorsque le trajet du domicile chez le client nécessite un temps de trajet important et en tout état de cause supérieur à 2 h 00, l’accord collectif du cabinet ou à défaut l’employeur et le collaborateur déterminent la contrepartie de cette sujétion, sous forme de temps de repos, de rémunération, ou tout autre. »

Alors que la Convention Collective prévoit que les temps de trajet litigieux ne sont pas du temps de travail effectif lorsqu’ils ne dépassent pas deux heures, la Cour de Cassation estime que ces temps de trajet peuvent devenir du temps de travail effectif si les trois conditions précitées sont réunies.

Il convient cependant de préciser que cette solution jurisprudentielle ne s’applique pas aux cadres qui sont soumis au forfait jours, dans la mesure où ils ne sont pas soumis à la réglementation sur les heures supplémentaires.
Pour eux, l’article 8-1-3 de la Convention Collective continue donc à s’appliquer et ils doivent, par conséquent, recevoir une contrepartie en temps ou en argent pour les temps de trajet domicile / client supérieurs à deux heures.
Pour tous les autres salariés, la solution jurisprudentielle est plus favorable car elle leur permet de prendre en compte leurs temps de trajet dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, lorsqu’ils se rendent « régulièrement » dans d’autres villes auprès de clients.

Conclusion

Les requalifications de ces temps de trajet ont des conséquences pour l’entreprise non seulement sur le plan civil, dans la mesure où ces temps doivent être rémunérés comme des heures supplémentaires, sans oublier d'inclure ces sommes dans l'assiette de l'indemnité de congés payés, mais peuvent également en avoir sur le plan pénal, notamment en cas de dépassement de la durée légale hebdomadaire ou quotidienne de travail, ces infractions étant passibles de l’amende prévue pour les contraventions de 4ème classe (750 euros au plus), autant de fois qu’il y a de salariés indûment employés.

IFL Avocats


Frank Broquet
Agathe Blanc de la Naulte
Avocats à la Cour
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