Xavier BerjotLe licenciement des salariés protégés (délégué du personnel, délégué syndical, membre du comité d’entreprise, etc.) ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail. Deux arrêts majeurs, rendus par le Conseil d’Etat le 22 février 2012, offrent l’occasion de rappeler les règles applicables à la demande d’autorisation.

 

1. Caractère obligatoire de la demande d’autorisation

La procédure d’autorisation s’impose quel que soit le motif de licenciement invoqué par l’employeur, personnel ou économique.

De même, la rupture de la période d'essai à l'initiative de l'employeur est soumise à la procédure d’autorisation (Cass. soc. 26 octobre 2005, n° 03-44751).

Ainsi, le licenciement du salarié protégé intervenu sans autorisation ou en dépit d’un refus d'autorisation est nul et de nul effet (Cass. soc. 24 juin 1998, n° 95-44757).

Il en résulte que le salarié peut solliciter sa réintégration, qui s’impose à l’employeur, sauf impossibilité absolue comme en cas de disparition de l'entreprise (Cass. soc. 24 juin 1998, n° 95-44757).

Par ailleurs, le salarié peut réclamer, à titre d’indemnisation, le versement des salaires qu’il aurait dû percevoir entre la date de la rupture et celle de sa réintégration (Cass. soc. 10 décembre 1997, n° 94-45294).

Attention : la Cour de cassation considère que cette indemnisation ne se cumule pas avec les allocations d’assurance-chômage (Cass. soc. 9 mars 1989, n° 87-18177), ni avec les indemnités de rupture (Cass. soc. 28 avril 2006, n° 03-45912).

 

2. Etapes préalables à la demande d’autorisation


2.1. Entretien préalable

Avant de solliciter l’autorisation de licenciement, l’employeur doit convoquer le salarié à l’entretien préalable à son éventuel licenciement.

En effet, comme l’indique l’article R. 2421-3 du Code du travail :

-         « L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail. »

Cette convocation obéit aux règles de forme et de délai classiques.

En cas de faute grave ou lourde, l’employeur dispose de la faculté de prononcer une mise à pied à titre conservatoire à l’égard du salarié protégé (article R. 2421-6 du Code du travail).

Il importe de préciser que cette mise à pied n’entraîne pas la suspension du mandat du salarié protégé (Cass. crim. 11 septembre 2007, n° 06-82410).

Par ailleurs, la mise à pied à titre conservatoire d’un délégué syndical, d'un salarié mandaté ou d'un conseiller du salarié doit obligatoirement être motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de 48 heures à compter de sa prise d'effet (article L. 2421-1 du Code du travail).

2.2. Consultation du comité d’entreprise

Le licenciement de certains salariés protégés impose à l’employeur de consulter le comité d’entreprise à l’issue de l’entretien préalable et avant la présentation de la demande d’autorisation.

Cette consultation est requise pour les salariés suivants (article L. 2421-3 du Code du travail) :

-         Les délégués du personnel titulaires ou suppléants ;

-         Les membres du comité d'entreprise titulaires ou suppléants ;

-         Les représentants syndicaux au comité d'entreprise ;

-         Les représentants des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail.

En cas de mise à pied à titre conservatoire d’un représentant du personnel, la consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied (article R. 2421-6 du Code du travail).

Afin de permettre au comité d’entreprise de se prononcer, l’employeur doit nécessairement l’informer du ou des mandat(s) détenu(s) par le salarié (CE 13 novembre 1992, n° 103649) et des motifs du licenciement envisagé (Cass. crim. 3 décembre 2002, n° 02-81452).

Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement.

Attention : le salarié protégé doit être auditionné par le comité d’entreprise, sous peine de nullité de l’avis du comité (CE 29 juin 990, n° 87944).

Enfin, précisons que, s’il est membre du comité d’entreprise, le salarié protégé doit pouvoir prendre part au vote (Cass. soc. 11 juin 1981, n° 79-41592).

 

3. Forme de la demande d’autorisation


A l’issue de l’entretien préalable et de la consultation du comité d’entreprise -chaque fois qu’elle est requise-, l’employeur doit adresser une demande d’autorisation à l’inspecteur du travail.

L’inspecteur compétent est celui dont dépend l’établissement qui emploie le salarié protégé.

La demande d’autorisation doit être adressée à l’inspecteur du travail par lettre recommandée avec avis de réception, mentionner précisément le motif de licenciement et préciser les mandats détenus par le salarié protégé (CE 20 mars 2009, n° 308346 et n° 309195).

Quand la consultation du comité d’entreprise est requise, la demande doit être accompagnée du procès-verbal de la réunion et transmise à l’inspecteur du travail dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité.

Enfin, en cas de mise à pied à titre conservatoire, la demande doit être présentée au plus tard dans les 48 heures suivant la délibération du comité d’entreprise.

 

4. Suites de la demande d’autorisation


Saisi par la demande d’autorisation de l’employeur, l'inspecteur du travail doit procéder à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du Code du travail).

L'inspecteur du travail doit prendre sa décision dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied.

Ce délai court à compter de la réception de la demande d'autorisation de licenciement et peut être prolongé si les nécessités de l'enquête le justifient.

Le caractère contradictoire de l’enquête implique l’audition individuelle de l’employeur et du salarié (CE 29 décembre1997, n° 160604).

Par ailleurs, dans deux arrêts rendus le 22 février 2012 (n° 346307 et n° 335200), le Conseil d’Etat a jugé que le salarié protégé doit mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d’autorisation.

A défaut, l’autorisation de licenciement accordée par l’inspecteur du travail doit être annulée.

Par conséquent, l’employeur doit adresser au salarié protégé la copie de sa demande d’autorisation et de ses pièces jointes ou, à tout le moins, s’assurer que l’inspecteur du travail transmette ces éléments au salarié.

En conclusion, rappelons que l'inspecteur du travail doit statuer dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande d'autorisation, et de 8 jours en cas de mise à pied, à moins que les nécessités de l'enquête ne justifient une prolongation de ces délais.

 

Xavier BerjotXavier Berjot

Avocat Associé

OCEAN AVOCATS

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