Eric SEUTETIl existe deux catégories de caution :

- les cautions accordées par des particuliers, protégés par le Code de la consommation,
-  et les cautions dites « averties », dirigeants de sociétés.

Le Code de la consommation prévoit qu'un créancier professionnel (le plus souvent un établissement de crédit) ne peut pas se prévaloir d'un cautionnement consenti par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à cette obligation (Code de la consommation, article L341-4).

Ce texte peut il également profiter aux dirigeants de sociétés ?

Par un arrêt en date du 22 juin 2010, la Cour de cassation précise le contour de ce texte et surtout, la sanction encourue.

La Cour de cassation précise tout d'abord, que l'article L341-4 du Code de la consommation s'applique à une caution, personne physique, même si elle est le dirigeant de la société dont les dettes sont garanties par le cautionnement.

Intégré dans le Code de la consommation, les tribunaux s'interrogeaient pour savoir si ce texte pouvait s'appliquer aussi à des cautions qui ont un caractère commercial, c'est-à-dire à des cautions, dirigeants de société, plus averties que des cautions dites "profanes".

L'on sait que le chef d'entreprise, caution des dettes de sa société, est bien moins traité que les "cautions – consommateurs".

Plusieurs cours d'appel s'étaient déjà prononcées pour appliquer au dirigeant personne physique qui s'était porté caution des dettes sociales, les dispositions qui ont été édictées essentiellement pour protéger le consommateur ou le non professionnel.

Il est rappelé que, lorsque le cautionnement qu'a donné le chef d'entreprise, n'entre pas dans le champ d'application du Code de la consommation, ce dirigeant, généralement considéré comme une caution avertie, ne peut invoquer la responsabilité du créancier bénéficiaire (et notamment de l'établissement de crédit) que si ce dernier avait, sur ses revenus, son patrimoine ou ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'exploitation de la société, des informations que le dirigeant ignoraient lui-même (Cass. Com. 8 octobre 2002).

En d'autres termes, le dirigeant, caution des dettes de sa société, pouvait rarement évoquer la responsabilité d'un établissement de crédit qui avait recueilli son engagement en octroyant à sa société un crédit, quelle qu'en soit la forme.

Or, si le dirigeant est considéré comme une caution profane, assimilable à un consommateur, il peut mettre en cause la responsabilité de la banque bénéficiaire de sa garantie, pour manquement à son devoir de mise en garde.

Conformément au droit commun, la sanction de la disproportion entre le cautionnement et le montant du prêt garanti était, jusqu’alors, l'allocation de dommages et intérêts, dans la limite de la disproportion constatée, c'est-à-dire à hauteur de la part du cautionnement qui excédait les biens que la caution pouvait raisonnablement donner en garantie.

La Cour de cassation, par sa décision du 22 juin 2010, édicte de nouvelles règles du jeu.

Désormais, le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est sanctionné par les dispositions de l'article L341-4 du Code de la consommation … C'est-à-dire par l'impossibilité, pour le créancier professionnel, de se prévaloir de cet engagement.

Dans ces conditions, l'engagement de caution n'est pas réduit à la proportion que la caution peut régler à la banque sur ses biens et revenus : la banque ne peut plus se prévaloir de l'engagement de caution !!

La question de l'étendue de la sanction avait fait couler beaucoup d'encre.

Certains auteurs et cours d'appel considéraient que la sanction de la disproportion de l'engagement conduisait simplement la caution à être déchargée pour la part qui excédait sa capacité financière alors que certains considéraient que la sanction devait être plus brutale et qu'elle devait conduire à interdire à la banque de jouir du bénéfice de la caution qu'elle avait obtenue.

Les établissements de crédit devront donc prendre garde à recueillir des engagements de caution émanant de dirigeants d'entreprise qui ont des biens ou des revenus qui leur permettent de répondre, le cas échéant, à la défaillance de leur entreprise, au jour de la conclusion de cet engagement de caution, sauf si le patrimoine de la caution, au moment où elle est appelée, lui permet de faire face à cette dette.

Dans le cas contraire, la banque perd le droit de se prévaloir de l'engagement de caution.

Cette décision promet, dans les mois à venir, de nombreuses joutes oratoires devant les tribunaux de commerce, qui devront veiller à vérifier que le chef d'entreprise, caution des dettes de son entreprise, a bien signé un engagement qu'il pouvait financièrement honorer !

DECISIONS RENDUES : Cass.Com. 22 juin 2010 n° 09-67.814 (n° 703FS-PBI), CREDIT AGRICOLE MUTUEL PYRENEES – CASCOGNE, disponible sur le site www.legifrance.gouv.fr

 

Eric SEUTETEric Seutet
Avocat - Seutet Avocats