Paul BuissonToute entreprise peut être amenée à rompre plus ou moins brutalement des relations contractuelles avec un cocontractant défaillant ou fautif. Face à l’urgence, la tentation est grande de recourir à une rupture rapide en se préoccupant plus ou moins des dispositions législatives et réglementaires régissant le contrat concerné.

Il est pourtant impératif que la rupture d'un contrat intervienne dans les règles de l’art car il n’est pas exclu que le cocontractant sollicite des dommages et intérêts pour rupture irrégulière et/ou brutale des relations contractuelles quand bien même il se sait fautif.

Par définition, lorsque le contrat est à durée déterminée, il prend fin au terme prévu au contrat.

Lorsque le contrat est à durée indéterminée, il peut être rompu en dehors de toute notion de faute ou violation par l'une des parties, moyennant un préavis raisonnable ou en respectant le préavis prévu contractuellement.

Un contrat, qu'il soit à durée déterminée ou indéterminée, peut cependant être résilié du consentement mutuel des parties, « pour les causes que la loi autorise » ou par la stipulation, au sein même du contrat, d’une clause résolutoire.

Le consentement mutuel des parties n’appelle par de commentaire particulier : ce que les parties ont fait par leur accord mutuel, elles peuvent le défaire de la même façon.

La loi a également prévu, pour certains contrats, la possibilité pour l’une ou l’autre des parties de rompre unilatéralement. Ces cas sont extrêmement limités et doivent être spécifiquement prévus par la loi (ex : mandat, contrat de dépôt, etc.).

En dehors des cas spécialement prévus par la loi, le contrat peut lui-même conférer soit à l’un des contractants, soit aux deux, la faculté de se délier. Il s’agit de la clause résolutoire qui met fin au contrat lorsque l’une des parties ne remplit pas ses obligations.

Dans ce cas précis, le contrat sera résolu (anéantissement rétroactif du contrat) de plein droit sans avoir à solliciter une résolution judiciaire.

Mais comment procéder lorsque ni le contrat, ni la loi ne prévoient de faculté particulière de rupture ?

L’article 1184 du Code Civil pose la règle de la résolution judiciaire du contrat, c'est-à-dire que le Tribunal compétent doit être saisi de toute demande de résolution.

Même si ce principe n’est pas absolu, il s’agit de la solution la plus prudente pour mettre fin à des relations contractuelles et éviter que le cocontractant puisse ensuite se retourner contre l'auteur de la rupture.

Ainsi, le juge vérifiera, a priori, que l’inexécution invoquée est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.

Dans l'affirmative, selon l'article 1184 susvisé, "la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts".

Il est certes possible de rompre unilatéralement les relations avec un cocontractant, sans agir en justice, mais cette possibilité est encadrée judiciairement.

La Cour de cassation admet en effet que « la gravité du comportement d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls».

Le comportement dénoncé doit donc être particulièrement grave.

Cette notion de gravité, dont les contours sont mal définis, suppose que le comportement reproché atteigne un degré supérieur à la simple inexécution du cocontractant à ses obligations contractuelles.

A titre d’exemple, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt en date du 22 Janvier 2008, que le non respect de délais convenus ne pouvait constituer une gravité suffisante pour justifier la résiliation unilatérale du contrat.

La jurisprudence reconnaît aussi que la rupture unilatérale du contrat est possible lorsque :

-    l’on se trouve dans une situation d’urgence ;
-    le dommage causé par l’attente d’une décision du juge pourrait être irréparable;
-    les relations contractuelles impliquaient «  une dose particulière d’entente, voire de confiance ».

La prudence est donc de mise lorsque la gravité d'un manquement est discutable ou susceptible d'être appréciée avec subjectivité par un juge.

Le contractant qui résilie unilatéralement un contrat du fait du comportement de son cocontractant, qu’il estime « particulièrement grave », le fait à ses risques et périls.

S’il décide de rompre le plus vite possible sans saisir le juge compétent et lui soumettre l’attitude de son cocontractant, il doit savoir que son cocontractant pourra soumettre ultérieurement à un juge la décision de rupture.

Il s’expose ainsi à un risque de désaveu judiciaire ultérieur.

Dans le cas où le juge estimerait que la rupture était injustifiée, il pourra octroyer des dommages et intérêts à la victime de la rupture injustifiée.

Pour des contrats d’importance, il est donc judicieux de prévoir une clause et des causes générales de rupture pour éviter de devoir saisir un juge.

Faute d'une telle clause, la rupture unilatérale peut s’avérer hasardeuse.


Paul BuissonPaul BUISSON
Avocat associé
BUISSON & ASSOCIES

Et
Laure Petit
Avocat
BUISSON & ASSOCIES
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